Pourquoi les Rencontres WoodRise de Genève, organisées au Pavillon Sicli par Lignum Genève, avec l’appui de la Fondation européenne pour le Développement durable des Régions, ont-elles été jugées remarquablement intéressantes? Simplement parce que les sujets traités par environ 80 intervenants émérites, spécialistes de l’ensemble de la filière bois, ont apporté des réponses à des questions majeures relatives aux pro­blématiques climatiques, environnementales et de bien-être.

PAV Praille Acacias-Vernets mobilisation pour l’exemplarité

La qualité de vie dans le PAV passe par la volonté des concepteurs, constructeurs et investisseurs d’y restaurer et valoriser la nature et de faire un large usage du bois, matériau moderne, propre et sain dans les constructions.

Magazine L’Extension / Diamant Alpin, avril 2019

On y a trouvé un écho aux préoccupations exprimées simultanément dans plusieurs villes d’Europe par des jeunes qui tirent très pacifiquement la sonnette d’alarme. Cette génération n’a pas l’intention d’accepter d’aller dans le mur. En cela, il est intéressant de constater qu’elle est en harmonie avec les décideurs du forum de Davos qui ont placé le risque clima­tique en tête de leurs préoccupations. Cette nouvelle génération conçoit que les modes de vie évoluent. Toutefois, à la différence des climatosceptiques, elle ne ressent pas cela comme une contrainte mais plutôt comme un che­minement vers une vie plus agréable, plus naturelle, plus humanisée. Invitée du Forum de Davos, la jeune Greta Thunberg lance :« La maison brûle! », en rappelant que cette phrase a été prononcée par Jacques Chirac en 2002, soit un an avant sa naissance. C’est dire que, lorsque l’on conçoit de nouvelles urbanisations, cette question doit être au cœur des projets.
« Les décideurs du Forum Économique de Davos ont placé le risque climatique en tête de leurs préoccupations. »

LE MATERIAU MODERNE, C’EST LE BOIS

Les vertus du bois sont évidentes. L’utilisation du bois en construction contribue largement à la lutte contre les changements climatiques par la séquestration du carbone atmosphérique dans le bois et par la substitution de produits plus énergivores et polluants à fabriquer tels que l’acier et le béton. De la forêt jusqu’à ses multiples usages, le bois constitue un puits de carbone. Et à cela s’ajoutent ses effets positifs pour la santé et le bien-être des personnes en milieu privé, professionnel ou médical.

FORMER PLUS DE PROFESSIONNELS MAITRISANT LE BOIS

Mais alors, pourquoi en utilisons-nous si peu ? A l’évidence, les écoles générales d’architectures et d’ingénierie ne privilégient pas ce matériau, contrairement aux excellentes grandes écoles spécialisées qui le font. Seule une minorité d’architectes a un savoir-faire et une expérience suffisante pour le proposer dans des projets d’envergure. C’est ainsi qu’en Suisse et en France, notamment, les meilleurs concepteurs réalisent plutôt des constructions emblématiques, lesquelles sont en conséquence peu nombreuses. Il est si simple de rester dans le béton et l’acier! Pourtant, la tendance est irréversible. Le matériau moderne, c’est le bois. C’est lui qui véhicule aujourd’hui le plus d’innovations. Certes, on peut pratiquement construire un bâtiment, même d’une grande hauteur, uniquement en bois. Les saisissantes réalisations de 85 mètres de haut, réalisées en Norvège et en Autriche par exemple, en sont la preuve. Ces constructions démontrent que tout est maîtrisé, y compris la sécurité. Mais soyons pragmatiques plutôt que dogmatiques! Le mariage du bois avec d’autres matériaux permet d’élargir les perspectives pour la création d’un grand marché du bois qui favorisera la gestion de nos forêts en usant de bonnes pratiques d’extraction appliquées avec discernement. Les légitimes ambitions qualitatives du conseil d’Etat pour la réalisation du PAV passent par une urbanisation végétalisée et une large présence du bois dans les constructions. A défaut de jamais imposer le bois dans la construction, on se doit à tout le moins d’affirmer notre volonté d’en encourager l’utilisation en exigeant que, pour chaque ouvrage construit, cette option soit étudiée sérieusement et retenue le plus souvent possible -que ce soit totalement ou partiellement.

DENSIFICATION DU QUARTIER DES VERNETS : UN DEFI

La densification n’est pas antinomique de la qualité de vie. Il suffit de se promener dans certains quartiers pour s’en convaincre. Le concept architectural des Vernets va dans ce sens, mais il reste beaucoup à faire pour confirmer la justesse de ce choix. La conception des espaces publics et la présence de la nature seront déterminants. La vigilance de l’Etat sur ce point est certainement grande afin d’éviter que des défauts d’aménagement n’entachent tout l’ensemble. Le projet des Vernets, avec ses quelque 1500 logements construits en lieu et place de la Caserne, ne comprend pas le moindre mètre carré de bois au niveau de la construction. Ceci ne gomme pas ses autres avantages, mais il est pour le moins étonnant qu’un projet de cette envergure ait pu à ce point faire l’impasse sur toutes les qualités et les vertus de ce matériau.
« La densification n’est pas antinomique de la qualité de vie. »

Nous nous devons d’y voir un signal pour soutenir une évolution du PAV vers un urbanisme plus durable. Cette situation démontre à quel point les décideurs, investisseurs et constructeurs doivent accéder à une meilleure connaissance de l’usage de ce matériau qui a vocation à devenir de plus en plus contemporain. Le bois est tendance. Preuve en est que des investisseurs commencent à en prendre conscience.
 

ENTRE ZOUG ET LUCERNE – ECO QUARTIER DE SUUSTOFFI / ZUG ESTATES, CONCEPTEURS-PROMOTEURS

DES CONSTRUCTEURS DES 4 COINS DU MONDE ALLIENT TALENTS ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

Plusieurs témoignages apportés durant les Rencontres WoodRise méritent d’être observés. On a tellement peu utilisé de bois pendant longtemps qu’on semble aujourd’hui redécouvrir ce qu’il est possible de faire avec. On ne s’attendait pas à ce que, aux quatre coins du monde, de grands architectes et constructeurs s’y intéressent avec passion. Le premier Congrès mondial WoodRise des constructions bois en moyenne et grande hauteur organisé à Bordeaux voici 18 mois a été édifiant à cet égard. Au milieu de 2000 participants, nous avons été les témoins d’un changement fondamental. Le matériau bois, de par ses qualités intrinsèques et aux innovations techniques qu’il voit naître, s’est imposé comme l’une des réponses au problème du climat, de l’environnement et de la qualité de vie, dès lors qu’il est lié à un urbanisme durable. Des constructeurs de tous horizons se sont ainsi mobilisés pour allier talent et responsabilité sociétale. Voilà qui constituait des réponses concrètes dans le prolongement de COP 21 en 2015 à Paris.

LE PAV : UNE OPPORTUNITÉ

C’est une chance rare que de pouvoir concevoir un quartier ex nihilo. Dans ce cas de figure, on peut procéder à une approche architecturale globale, à laquelle on agrège des paramètres de mobilité ainsi que toutes les composantes de la vie sociale et économique. Une telle opportunité se présente rarement. Le PAV en est une. La réussite passe par un dialogue entre tous les acteurs qui y participent afin qu’ils acceptent d’engager une concertation portant les valeurs principalement retenues et adhèrent à une ambition commune. Il semble que l’on puisse être globalement assez rassuré en ce qui concerne la nature, la végétalisation et l’entrée des forêts urbaines sur tout le périmètre du PAV. Là, l’Etat a les moyens de donner le ton, et il fait entendre ses exigences. Sa détermination doit néanmoins être soutenue.

On se prend à rêver, dans cette perspective, à la création de zones vertes et à la mise à ciel ouvert des rivières l’Aire et la Drize qui seront intégrées à un espace public naturel et paysager, urbain et empreint de sociabilité.

QUARTIER DE L’ETOILE, GENÈVE LA NATURE AU CŒUR DU PAV ! DUPRAZ ET BYRNE, ARCHITECTES

Cela marquera la dernière étape du programme «10 ans pour sauver nos rivières». Il en aura certes finalement fallu 20 pour libérer les rivières genevoises de leurs corsets de béton et ainsi améliorer les paysages et éviter des inondations catastrophiques.Le jeu en valait bien la chandelle. L’approche urbanistique intégrée du PAV doit aussi permettre de limiter les nuisances sonores et de la pollution de l’air, de renoncer aux énergies fossiles et de concevoir des quartiers à énergie positive.

EXPÉRIENCES INSPIRANTES

Le groupe suisse Zug Estates, dont une représentante figurait au nombre des intervenants des Rencontres régionales WoodRise de Genève, ne manque pas d’ambition et chemine résolument dans cette direction. Il est constructeur dans le quartier écologique de Suurstoffi, à Risch-Rotkreuz, entre Lucerne et Zoug, Ce quartier intégré et sans circulation, avec 1500 résidents et 2500 postes de travail, abritera une tour en bois pour le campus de l’Université des sciences appliquées de Lucerne. Achevé au cours de l’été 2019, sa hauteur sera de 60 mètres.

L’entreprise travaille sur plusieurs projets de ce type et confirme son choix du bois dans ses investissements. Hannes Wüest, président de Zug Estates, est également le maître d’ouvrage de ce projet. « Développer un ensemble bâti ou un quartier permet, au contraire, un tout autre dimensionnement que ce qui est réalisable au niveau d’une parcelle. Ce n’est qu’à une plus grande échelle qu’il est possible de façonner un caractère ou une identité de quartier, de proposer des fonctionnalités et une gestion de la mobilité qui soit adaptées, de créer des espaces extérieurs attrayants et d’asseoir une localisation qui soit à la fois attractive pour les locataires comme pour les entreprises, qualités décisives sur un marché qui est de plus en plus saturé ».

Du côté de Paris, dans la Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) de Clichy Batignolles, la Ville de Paris met en œuvre une politique ambitieuse de développement durable avec des plans Climat et Biodiversité pour accueillir faune et flore locales dans un parc de dix hectares. Elle accueillera 3400 logements et de vastes surfaces pour des bureaux, le Palais de Justice, des commerces, des activités culturelles et sportives ainsi que des équipements publics. C’est dire que nous sommes en présence d’une gestion intégrée permettant d’atteindre des objectifs qualitatifs élevés en termes de mode de vie. Pour la mobilité, tout est entrepris afin d’encourager les futurs habitants à choisir une alternative au véhicule personnel. La mobilité douce est d’actualité. Les constructions en bois y sont logiquement soutenues et s’inscrivent dans une conception globale au nom des arguments que l’on connaît et qu’ils rappellent : réduction du temps du gros œuvre, propreté, peu de déchets et de poussière, économie en eau, filière sèche, moins bruyant, pas de toupies à béton et de marteaux-piqueurs, diminution du trafic de camions.

La caution scientifique

Personnalité reconnue, Ernst Zürcher, professeur, chercheur, docteur en sciences naturelles, ingénieur forestier et écrivain, a été la caution scientifique des Rencontres WoodRise.

Largement présent, il commenta certaines interventions et fit la synthèse de plusieurs débats. Son soutien pour l’usage du bois dans la construction et l’industrie, en remplacement des produits fossiles, fut clairement énoncé, tout comme son plaidoyer en faveur d’une gestion forestière écologique et économique.


 

PARIS 14e – 61 LOGEMENTS ET COMMERCE SUR-MESURE STRUCTURE BOIS / PASCAL GONTIER, ARCHITECTE

Au milieu de cette ZAC, Bouygues Immobilier a livré en 2018 le premier Green Office Enjoy, le plus grand immeuble tertiaire en France labellisé BBCA (Label Bâtiment Bas Carbone). L’immeuble produira plus d’énergie qu’il n’en consommera. Il est construit sur dalle au- dessus des voies ferrées avec sept étages dont cinq en bois. Le procédé choisi offre de grandes performances thermiques et acoustiques et contribue, grâce au bois, à réduire les émissions de carbone. Anouk Legendre est, avec son associé Nicolas Desmarzières, une star de l’éco-architecture et des constructions bois. En travaillant sur le projet du Jeongok Prehistory Museum, en Corée du sud, une prise de conscience s’est imposée à eux.

Répondre à l’urgence écologique et redonner à l’humain sa place dans la ville. L’acte de construire prend une nouvelle dimension, l’architecture devient alors écosystème climatique. Le concept consiste à verdir la ville, à utiliser des toits pour des plantations, à installer des murs végétalisés qui créent une fraîcheur naturelle, à rendre les bâtiments énergétiquement autonomes avec de nouveaux procédés naturels comme celui des bio-façades avec des micro-algues qui ont la vertu d’être isolantes! Nous sommes au cœur de l’innovation intelligente.
« L’acte de construire prend une nouvelle dimension, l’architecture devient écosystème climatique. »

Anouk Legendre et son cabinet ont été les architectes du Pavillon français en bois de l’Exposition Universelle de Milan ainsi que de la Cité du vin de Bordeaux, qui justifie à elle seule le voyage dans cette belle ville.

LES CONDITIONS SONT RÉUNIES POUR AGIR

Les exposés entendus aux Rencontres WoodRise nous stimulent, créent des envies, font naître de nouvelles ambitions. Pour le climat, l’environnement, le bien être des personnes et l’économie, des solutions existent.

Claude Haegi, Président des rencontres WoodRise et de Lignum Genève, ancien conseiller d’État

 
 
 
 

CITÉ DU VIN BORDEAUX – OSSATURE DU BÂTIMENT ENTIÈREMENT EN BOIS / ANOUK LEGENDRE ET NICOLAS DESMAZIÈRES, ARCHITECTES

GENÈVE : RÉFLEXION INTERNATIONALE, ACTIONS LOCALES

En 1987, Claude Haegi et Guy-Olivier Segond, membres exécutifs de la mairie de Genève, ont pu favoriser l’installation de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies au Palais Wilson. Cette date marque l’intérêt international de Genève pour cette question. La publication éditée par cette commission « Notre avenir à tous » jeta les bases du sommet de Rio en 1992.

Ce rapport utilisa pour la première fois l’expression de « sustainable development » traduit en français par « développement durable ». Cet engagement politique de Genève se poursuivi avec succès, afin d’accueillir la plupart des organisations internationales liées à cette question, et devenir la capitale mondiale de l’environnement, aime-t-on dire ici.

Avec notre bois, réalisons des projets qualitatifs et exemplaires. Le PAV constitue une formidable opportunité qui stimulera d’autres réalisations dans notre grande région détentrice de précieuses forêts pouvant nous fournir le bois dont nous avons besoin, notamment pour la construction.


 
 
 
 
 
 
 
Cet article est paru dans votre magazine L’EXTENSION / DIAMANT ALPIN Avril 2019. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, et pour soutenir la presse, vous pouvez vous abonner ici.

 
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