Image Michael Meuter, Zurich

Après avoir siégé plusieurs décennies aux exécutifs communal et cantonal, le nouveau président de Lignum, Jakob Stark, représente le canton de Thurgovie à la Chambre haute du Palais fédéral. Le Conseiller aux Etats UDC, né en 1958, a grandi dans une famille d’agriculteurs. Un passé qui relie ce docteur en histoire à la terre. Le propriétaire et gestionnaire de sa propre forêt Jakob Stark est un partisan convaincu de la construction en bois. Nous avons rencontré Jakob Stark en Thurgovie pour un premier entretien – sur le chantier d’un imposant bâtiment scolaire en bois à Weinfelden.

En tant que directeur de la construction de Thurgovie, Jakob Stark s’est déjà engagé avec succès pour la promotion de la construction en bois dans son canton : ce fut le cas par exemple pour l’extension du bâtiment du gouvernement cantonal à Frauenfeld, qui a été approuvée par les électeurs thurgoviens en automne 2020. Le nouveau président de Lignum vit lui aussi dans une maison en bois où il se sent particulièrement « chez lui ». « La sensation de vivre dans une maison en bois est tout simplement fantastique », déclare Jakob Stark.
Il se réjouit en outre des « nombreux bâtiments récemment construits en bois par le secteur public en Thurgovie », explique M. Stark. A l’exemple du bâtiment scolaire Martin Haffter à Weinfelden, sur le chantier duquel nous rencontrons le nouveau président de Lignum pour une interview.

Monsieur Stark, vous êtes président de Lignum, Economie suisse du bois, depuis le 1er mai 2021. Quel est votre lien personnel avec les forêts et le bois ?

Les forêts et le bois ont une grande importance pour moi. J’aime passer beaucoup de temps dans les bois, à faire des promenades, des randonnées, du jogging ou – malheureusement trop rarement – à m’occuper de mes deux petites parcelles de forêt. Je m’intéresse à toutes les essences d’arbres et de bois. Les vieux peuplements de chênes ou d’ifs me fascinent tout autant que les belles forêts de hêtres et de sapins ou les pins élancés qui, comme les épicéas, ont particulièrement souffert du poids de la neige ces derniers temps. J’accorde une attention particulière au douglas, que je considère comme un arbre important pour l’avenir de nos forêts et de notre économie du bois. Mais lorsqu’il s’agit de bois, nous devons également regarder au-delà de la forêt. Lorsqu’un poirier a été abattu dans la ferme de mes parents, mon menuisier m’en a fabriqué une très belle table de salon.

Quelles opportunités en particulier voyez-vous pour une utilisation accrue du bois ?

Les possibilités sont presque illimitées. Grâce aux énormes progrès réalisés dans le domaine des matériaux et de la construction, ainsi qu’à l’adaptation simultanée des prescriptions de protection incendie à l’état de la technique de la construction en bois, il est désormais possible de construire en bois non seulement des immeubles à plusieurs étages, mais aussi des bâtiments élevés. La construction de grands volumes en bois a un bel avenir pour toutes les affectations. La recherche et l’innovation se poursuivent, ce qui permet progressivement de produire des matériaux à base de bois ayant des qualités structurelles comparables à celles du béton. Par conséquent, l’application de la construction en bois s’étend au-delà du secteur du bâtiment jusqu’à la construction d’infrastructures, comme la construction de ponts. Dans ce contexte, j’ai soumis, lors de la dernière session du Conseil des Etats, une motion allant dans ce sens.

Le béton domine toujours. Quand aurons-nous plus de bâtiments en bois que de bâtiments en construction massive en Suisse ?

Pour promouvoir la construction en bois il ne faut pas complètement délaisser le béton ; les bâtiments en bois bénéficient également de la combinaison avec ce matériau. La construction moderne est hybride et diversifiée. Toutefois, certains signes indiquent que l’ère de la construction massive prédominante se transforme progressivement en une ère de la construction en bois. La voie de la durabilité conduit inévitablement à l’utilisation de matières premières renouvelables. Il s’agit d’une évolution très positive, d’une grande opportunité et en même temps d’un défi pour l’économie du bois. Il est donc probable que le moment viendra où l’on construira davantage de bâtiments en bois que de bâtiments massifs. Pour l’instant, je le concède, cela semble encore une chimère vu l’importante assise de la construction massive sur le marché. Mais cette transition est déjà en cours.

Le bois issu de la forêt suisse a-t-il le statut qu’il mérite sur le marché ?

Il n’y a pas de réponse objective à ce sujet, c’est toujours une question de point de vue, parce que fondamentalement, un marché est simplement un marché ; et si un de ses acteurs trouve que son produit a une valeur trop faible, il doit s’interroger sur la raison de cette situation et sur la façon dont il peut la changer. Subjectivement, je pense également que le bois suisse devrait être mieux considéré par le marché. Cependant, il est beaucoup plus facile de formuler cet objectif que de trouver les moyens de l’atteindre. Avec le Label Bois Suisse, la filière est certainement sur la bonne voie. Dans ce contexte, il est important de trouver un consensus le plus large possible, afin que l’ensemble de la filière puisse tirer à la même corde.

Quelle est l’importance de Lignum pour l’avenir du bois en Suisse ?

En tant qu’organisation faîtière des associations et organisations de l’économie suisse de la forêt et du bois, Lignum a une fonction centrale dans l’union des forces. Cette union est primordiale tant pour une coopération réussie que pour le renforcement de la compétitivité, de l’information au public des atouts du bois et dans la participation aux processus politiques importants pour l’économie. Mais Lignum est aussi et surtout un centre de compétences pour l’application du bois dans la construction. Elle garantit que les connaissances des concepteurs et planificateurs du bâtiment en matière de construction bois soient à jour. C’est extrêmement important pour l’économie. Il est essentiel de parler aux décideurs du secteur de la construction d’égal à égal afin d’assurer le succès du bois sur le marché de la construction. Et ce marché est le plus important pour le bois. Tout le monde y est gagnant, des charpentiers et menuisiers aux propriétaires forestiers en passant par les scieurs.

Sur quels points allez-vous mettre personnellement l’accent en tant que président de Lignum ?

Tout d’abord, il est important pour moi de bénéficier d’une période d’intégration constructive, au cours de laquelle les priorités et les défis deviendront plus concrets. Pour le moment, je peux dire que l’unité de Lignum sera l’une de mes premières préoccupations. En effet, certaines des associations membres ont des intérêts très différents ; il est donc nécessaire de rechercher avec persistance le dénominateur commun qui unit, renforce et fait progresser la filière bois suisse. La question des tâches et des fonctions de l’association faîtière doit également être clarifiée à plusieurs égards et mise en conformité avec les tâches et fonctions des associations membres. Le Label Bois Suisse sera certainement aussi un sujet concret d’importance.

A Berne, vous représentez le canton de Thurgovie, votre canton de résidence, en tant que membre du Conseil des États. Quelles y seront vos premières implications politiques en faveur de la filière du bois ?

En termes de politique climatique, la construction en bois à l’avantage de fixer une grande quantité de CO2 et peut donc contribuer de manière significative à la réduction des gaz à effet de serre et au ralentissement du réchauffement de la planète, et ce de manière économique. Il est important d’ouvrir la voie à cette force sur le plan politique également. Au cours de la session d’été, ma motion « Utiliser le bois dans la construction d’infrastructures pour contribuer à la décarbonisation. Recherche et innovation » sera à l’ordre du jour du Conseil des États. J’ai soumis cette motion avec 41 collègues ce qui démontre un important attrait pour le sujet. Elle concerne la promotion de la recherche et des premières applications de ses résultats dans la construction moderne en bois, avec pour objectif d’assortir ou de remplacer le béton armé par des matériaux fixant le CO2, notamment dans la construction d’infrastructures. La réponse du Conseil fédéral est toujours attendue. Dans tous les cas, j’insisterai pour sa prise en considération et, si nécessaire en alternative, pour une saisie par la commission compétente du Conseil des États.