Au printemps de l’an dernier, tout s’est arrêté pour cause de virus. Quand les constructions ont pu reprendre, la demande a été particulièrement forte aux Etats-Unis, et en Chine. Résultat : beaucoup d’exportations et une hausse des prix qui a pu être spectaculaire selon les matériaux. Autre facteur annexe, celui des emballages, puisque les commerces étaient fermés et que les commandes en ligne ont explosé.

Une table ronde organisée (en ligne) par Lignum Genève, a révélé quelles étaient les préoccupations des professionnels de la branche. Animé par Claude Haegi, président, cet échange a permis de montrer que les acteurs de ce secteur conservent leur optimisme et leur engagement, malgré une période pour le moins incertaine.

MESURER LES CONSÉQUENCES

Toute crise peut avoir des effets délétères, tout en représentant une chance. Dans notre pays, le bois est insuffisamment payé pour que l’on traite un volume correspondant à la demande et aux capacités de nos forêts. Christina Giesch (Forêt Valais) regrette que tant d’arbres restent au sol, pratiquement autant que ceux qui sont extraits pour être transformés. Certes, il est bon d’en laisser pour favoriser la biodiversité et le rajeunissement, mais pas autant. Un regret qui s’explique aussi par le fait de ne pas utiliser une ressource et d’aller la chercher ailleurs pour l’importer. La hausse des prix pourrait donner une chance de revaloriser cette matière première. D’autant, a souligné Jean-François Rime (scierie Despond), que ce bois abandonné émet au bout du compte autant de CO2 que s’il était brûlé. Sur la question des tarifs, il rappelle leur chute en 2019, à cause des attaques de bostryche. Le bond actuel a quelque chose d’inhabituel, toute la question étant de savoir si ce niveau va se maintenir. L’un des effets est qu’à partir d’un certain seuil, il va y avoir une concurrence de la part du métal et du béton, qui pour le moment subissent également une pression vers le haut.

La forêt suisse appartient à 260 000 propriétaires, pour 1,1 million d’hectares. L’exploitation répond à des critères sévères, elle est reconnue comme d’excellente qualité, avec par exemple l’interdiction des coupes rases. Elle est chère en comparaison avec les Landes, où de vastes étendues de troncs alignés au cordeau vont être rasées en même temps.

Les conditions actuelles ont une autre conséquence, selon Jean- Marc Ducret (JPF-Ducret), celle d’allonger les délais. Il souhaite que la découverte de circuits plus courts, pratique qu’il connaît bien, s’inscrive dans la durée. Les ingénieurs, les concepteurs et les clients devraient jouer ce jeu, favorable à l’environnement, pour autant que les prix restent corrects évidemment.

La dépendance envers l’étranger inquiète Jean-Yves Aeby (menuiserie Aeby), les panneaux produits en Allemagne ont des délais totalement élastiques de dix-huit, voire vingt semaines. Les prix définitifs ne sont pas communiqués. Cette valse-hésitation pourrait se révéler catastrophique pour la filière. Tout dépendra comment les principaux acteurs, des clients aux concepteurs, vont s’organiser et réagir. Dans un contexte agité, certaines entreprises, dans le passé, ont cessé d’exister. Thomas Büchi (Charpente Concept), estime que le relèvement des prix correspond à un réajustement. Un lamellé-collé, vendu 950 francs le m3 en 1985, est descendu à 500 francs l’an dernier. Pas étonnant que les forestiers bûcherons crient famine. Le métier mériterait d’être honoré à sa juste valeur. Acculés, certains exportent le bois brut, ce n’est pas sain (lire l’encadré).

Côté français, Bernard Benoit (Charpente Concept France) rappelle que des textes de loi sont en préparation pour soutenir l’évolution environnementale du secteur. Les réalisations spectaculaires, démontrant qu’on peut tout faire à partir de bois (« tout ce que le pétrole fait, le bois peut le faire »), laissent planer un certain optimisme. La crise actuelle a un aspect positif : les différents acteurs se rapprochent, l’intérêt d’une cohésion plus grande se manifeste clairement.

Gil Egger

PANNEAUX EN PANNE

On ne fabrique plus de panneaux de consommation courante en Suisse. La remise en question de la branche, notamment la revalorisation des circuits courts, pourrait rendre utile la construction d’une usine pour ce type de produits. Pour cela, une attention particulière des ingénieurs et des bureaux d’architecte pour une filière helvétique, de même qu’un prix restant compétitif s’imposent. Implanter une usine, mais où ? Jean-François Rime, propriétaire de la scierie Despond à Bulle, relève que les terrains ne sont pas faciles à trouver ni à un prix abordable. Dans sa région, il lui fut répondu que les terrains étaient réservés pour des activités industrielles ayant une plus haute valeur ajoutée. À quoi Christina Giesch, directrice de Forêt Valais, souligne que dans son canton, il reste des surfaces sans ce genre de restriction. En réalité, de la forêt à l’immeuble ou au meuble, les maillons ne sont plus tous en place. Une conséquence de la concurrence étrangère, particulièrement vive en provenance d’Allemagne et d’Autriche. Comme l’a relevé Bernard Benoit (Charpente Concept), tant qu’il y aura des conteneurs partant de Suisse pour la Chine, remplis de bois brut, et que des parquets en reviendront, nous ne pourrons pas valoriser cette filière.

 

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