A Genève, on a de justes ambitions de développement durable et de lutte contre les dérèglements climatiques. Mais le bois est très peu présent dans la réflexion, et moins encore dans la réalisation des constructions. N’est-ce pas incohérent?
Quand d’aventure on lève les yeux, ne se dit-on pas qu’outre la pierre, il y a beaucoup trop de béton, verre ou acier, matériaux inertes, rigides, cassants et froids, emblématiques des produits de l’ère industrielle et de formes de développement dont on sait aujourd’hui qu’elles ne sont pas durables ?
Mais… où donc se trouve-t-on pour voir un tel spectacle? Eh bien! A Genève, dans tous les nouveaux quartiers et à l’entrée du PAV, et dans ses chantiers, le fameux quartier Praille-Acacias-Vernets, censé «Réinventer le vivre-en-ville» et «Bâtir une ville durable» dans cette zone labellisée «Société à 2000 watts».
Le bois: naturel, renouvelable et capteur de CO2
Le «Plan climat cantonal renforcé» a été présenté en juin 2021. Il fixe comme objectif une diminution de 60% du taux d’émission de CO2 par tête d’habitant dans le canton de Genève, par rapport aux chiffres de 1990, premier palier pour atteindre la neutralité carbone dès 2050. C’est un objectif ambitieux, mais sûrement nécessaire, qui implique une accélération considérable de l’évolution enregistrée entre 1990 et 2020, période de trente ans durant laquelle la diminution des émanations de CO2 n’a été que de 25% dans le canton (toutes ces données figurent en exergue du Plan climat cantonal de juin 2021).
Ceci va évidemment dans le bon sens, mais il y a un absent dans la réflexion, et plus encore dans les réalisations: le bois. C’est ainsi que l’on arrive à faire sortir de terre un quartier modèle comme le PAV dont les bâtiments font, jusqu’à présent, totalement l’impasse sur le bois, matériau naturel et capteur de CO2, alors que la plupart de ceux qui seraient utilisés dans le PAV ont un bilan carbone défavorable au climat. Une volonté d’en changer, pendant qu’il est encore temps, doit s’exprimer.
C’est pourquoi nous insistons et qu’au nom de Lignum Genève, membre de l’organisation faîtière nationale de la filière du bois, nous l’avons fortement dit lors d’une récente réunion d’information «Les pieds dans le PAV»*, organisée chaque année par le Comptoir Immobilier en présence de tous les acteurs concernés publics et privés.
Spectaculaires constructions en bois
Dans pratiquement tous les projets urbanistiques européens d’une certaine importance, le bois est devenu le matériau de référence environnementale et de bien-être. En Suisse, surtout alémanique, et dans le monde, les projets se multiplient. A Winterthour, le Rocket Tigerli Tower, dont la réalisation est confiée à Implenia qui l’a conçu en collaboration avec l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, sera avec ses 100 mètres le plus haut bâtiment du monde à structure porteuse en bois. La tendance s’accélère, on peut remplacer du béton et de l’acier par du hêtre, de l’épicéa ou du sapin. Selon les particularités des projets, une mixité des matériaux avec du bois, de l’acier et du béton est une bonne solution. Avec notamment des façades en ossature bois, on apporte un confort thermique et acoustique optimal. De plus, elles limitent les dépenses énergétiques et offrent des qualités naturelles.
Il faut dire qu’à Genève, malgré la présence de quelques professionnels talentueux maîtrisant parfaitement le bois, peu d’architectes et ingénieurs savent le gérer. Ils ne le proposent donc pas dans leurs projets, préférant s’en remettre aux matériaux traditionnels qu’ils connaissent. Il y a donc là un goulot d’étranglement non négligeable. Par ailleurs, les appels d’offres sont rarement explicites. Les autorités ne demandent pas, par exemple, que dans les projets, une variante bois soit systématiquement proposée et évaluée. Les privés auraient le même intérêt à le faire.
Formation: vers de nobles métiers
Pour obtenir un plus large usage du bois, nous devons assurer la relève et augmenter le nombre de professionnels de la filière. Dans ce contexte nous voulons et pouvons motiver des jeunes, des filles autant que des garçons, à travailler le bois. Ce sont des métiers d’avenir, passionnants, utilisant un matériau renouvelable, traditionnel et moderne, porteur de grandes innovations.
Tout cela nous conduit vers un passage incontournable: celui de la formation.
Le Centre de Formation Professionnelle Construction (CFPC) joue un rôle déterminant en faveur des métiers du bois. La Haute École du paysage, de l’ingénierie et de l’architecture (HEPIA) est active, mais pourrait lui donner une place plus large. L’un et l’autre doivent rendre la filière attrayante et y attirer les meilleurs éléments.
Pour promouvoir les métiers du bois, un partenariat dynamique s’est développé entre l’Office cantonal de la formation professionnelle et continue (OFPC) et l’association Lignum Genève, branche cantonale de Lignum Suisse, qui regroupe les divers acteurs de la filière bois de la forêt jusqu’à ses différents usages.
Lignum Genève conduit en ce moment avec son «Tram du bois» une action spectaculaire de sensibilisation, promouvant les formations depuis les métiers de la forêt jusqu’à ceux traitant les divers usages du bois, bûcherons, menuisiers, charpentiers, ébénistes, techniciens et ingénieurs.
Ce tram, habillé aux couleurs du bois, circule sur toutes les lignes du canton, tandis que des spots passent régulièrement dans l’ensemble des véhicules du réseau. Cette opération promeut chaleureusement la formation aux métiers du bois en vue d’une politique environnementale mieux axée sur de futures constructions en bois, performantes énergétiquement, entourées d’aménagements végétalisés apportant un réel confort de vie.
Claude Haegi
Président de Lignum Genève
Filière du bois et des forêts
* Voir Le Journal de l’Immobilier No 69 du 15 mars 2023.
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